Il existe, selon le linguiste Noam Chomsky, dix
stratégies de manipulation des masses. Lorsque l'on observe la société actuelle
dans sons quotidien on est en droit de se dire que Chomsky n'a pas tort !
Noam
Chomsky est est un linguiste et philosophe américain devenu Professeur émérite
du Massachussetts Institute of Technology (MIT) où il enseigna toute sa
carrière durant. Une carrière qu'il consacra aussi à étudier les comportements,
les codes linguistiques et la communication verbale. Il a joué un rôle
important dans ce qu'il est désormais convenu de nommer la Révolution Cognitive
qui, à la fin des années cinquante, structura la compréhension des mécanismes
de la pensée humaine. Volontiers anarchiste, à 81 ans Noam Chomsky, qui imagina
la grammaire
générative et transformationelle reste une référence en matière de
comportement humain.
Fin septembre 2010, Chomsky a édité une liste qui regroupe les dix stratégies
de manipulations des masses car il ne fait aucun doute, selon lui, que les
masses sont manipulées par ceux qui dirigent le monde, que ce soient les
financiers, les politiciens ou les médias. L'agence de presse internationalePressenza, connue pour ses prises de
positions pacifiques, vient de rendre publique la Liste de Chomsky(1). Pour
établir cette liste, Noam Chomsky se base sur le fossé qui s'est creusé entre
les connaissances publiques et les connaissances de ce qu'il appelle "l'élite
dirigeante", un fossé qui permet désormais à cette élite de mieux
connaitre l'individu lambda que celui-ci ne se connait lui-même... Cette forme
de métaconnaissance facilite, toujours selon Chomsky, le contrôle des
individus...
Je vous propose de passer en revue ces dix stratégies de manipulation des masse
et de les commenter. Le texte en dix points est la traduction du texte de
Noam Chomsky, le texte en italique sera celui de mon commentaire ou de mon
analyse.
Les dix stratégies de manipulation des masses selon Noam Chomsky
1° La stratégie de la distraction : élément primordial du
contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention
du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites
politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations
insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour
empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les
domaines de la science, de l’économie, de la psychologie, de la neurobiologie,
et de la cybernétique. «Garder l’attention du public distraite, loin des
véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle.
Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser; de
retour à la ferme avec les autres animaux» Extrait de «Armes silencieuses pour guerres
tranquilles» (1979).
Depuis l'époque romaine et le fameux Panum, vinem et
circenses, la distraction permet de contenir les velléités des masses. Donner
du pain et des jeux au peuple pour calmer la population est une stratégie
éprouvée. Nous sommes, plus que jamais, dans une ère de distractions; les
loisirs n'ont jamais été aussi présents. Lier loisirs et contention des masses
est d'autant plus tentant que l'Histoire nous a enseigné que c'est vrai depuis
plusieurs millénaires... Aujourd'hui, le loisir est un des éléments moteurs de
nos comportements. Le temps passé devant la télé - loisir de masse s'il en est
! - a encore augmenté en 2009 et en 2010. La population mondiale passe, en
moyenne, 3h12 par jour devant son poste de télé(2). Le temps passé par les ados
et les jeunes adultes devant une console de jeu est encore plus important. Ces
temps cumulés peuvent atteindre et même dépasser le tiers d'une journée...
Pendant que l'on se distrait, que l'on joue ou que l'on regarde la télé on ne
se plaint pas, on ne se révolte pas !
2° Créer des problèmes, puis offrir des solutions :
cette méthode est aussi appelée «problème-réaction-solution». On crée d’abord
un problème, une «situation» prévue pour susciter une certaine réaction du
public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite
lui faire accepter. Par exemple: laisser se développer la violence urbaine, ou
organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois
sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore : créer une crise économique
pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le
démantèlement des services publics.
N'est-ce pas ce que l'on a fait avec la grippe A/H1N1 en
2009 ? On nous à fait croire à une pandémie dramatique puis on nous a proposé
un vaccin miracle... C'est une forme de maintien de l'ordre en place par la
peur. Les médias qui relayent les informations conventionnelles jouent un
très grand rôle dans cette stratégie. Et de plus en plus on est obligé de
constater que les médias nous livrent telle qu'elle une "info clé sur
porte" tirée immédiatement de communiqué de presse. Dans les médias les
plus lus ou vus, il n'y a plus guère d'esprit d'analyse et de critique mais
bien une info formatée.
3° La stratégie de la dégradation : pour
faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer
progressivement, en «dégradé», sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon
que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme)
ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité,
flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant
de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués
brutalement.
Le raisonnement précédent vaut aussi pour cette
stratégie... La peur inspirée au public s'installe lentement, sournoisement
presque naturellement !
4° La stratégie du différé : une autre
façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme
«douloureuse mais nécessaire», en obtenant l’accord du public dans le présent
pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un
sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas
à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à
espérer naïvement que «tout ira mieux demain» et que le sacrifice demandé
pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à
l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.
Voici une stratégie très souvent adoptée par les milieux
politiques, notamment lorsqu'ils nous annoncent des mesures d'économie
draconiennes. Mais c'est aussi une tactique utilisée par les grandes
entreprises qui nous fournissent des matières essentielles à la vie
quotidienne... Les augmentations du prix de l'énergie sont toujours prévues à
l'avance !
5° S’adresser au public comme à des enfants en
bas-âge : la plupart des publicités destinées au grand-public
utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton
particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le
spectateur était un enfant en bas-age ou un handicapé mental. Plus on cherchera
à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. Pourquoi ? «Si on
s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison
de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou
une réaction aussi dénuée de sens critique que celles d’une personne de 12
ans». Extrait de «Armes silencieuses pour guerres tranquilles»
Adopter un ton débilisant pour s'adresser aux masses...
voila une technique éprouvée. Il s'agit de rendre les gens suggestibles à
souhait. Plus ils sont prêts à se laisser suggérer des comportements, des choix
et des directions à prendre plus ils se font manipuler ! La publicité est la
technique de suggestibilité la plus répandue, le marché publicitaire
à la télévision a bondi de 257% entre 1986 et 2010(3), le temps de pub par
heure de télévision est, désormais, de 6 minutes; il était de moins de trente
secondes à l'aube des années septante... Rappelons-nous cette merveilleuse
phrase de Patrick Le Lay lorsqu'il présidait aux destinées de TF1 et qui
disait que "son métier consistait à vendre du temps de cerveau disponible
à Coca-Cola"...
6°Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion :
faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter
l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus,
l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à
l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions,
ou des comportements…
C'est ce que l'on appelle le pathos qui est l'un des
trois moyens de persuasion de tout discours depuis Aristote (± 300 avant JC).
Lorsque l'on réagit avec le coeur on ne réagit pas avec le cerveau...
7° Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise :
faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et
les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. «La qualité de
l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle
sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes
supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures».
Extrait de «Armes silencieuses pour guerres tranquilles»
Je pourrais m'éterniser sur le sujet des heures durant !
Il suffit de se balader en rue pour constater que la l'ignorance est partout
présente. J'ai l'impression que, aujourd'hui, se cultiver, lire, apprendre sont
autant de tares pour les masses. L'enseignement n'est pas étranger à cette
situation mais l'éducation parentale est le principal artisan de l'inculture
qui s'installe de plus en plus dans les masses. La culture demande un effort
que beaucoup ne sont plus prêts à fournir. On se réfugie devant la télévision
pour se nourrir d'une sous-culture faite de télé-réalité et de shows de bas
niveau, facile à appréhender intellectuellement. La télévision est le fast-food
de la culture ai-je coutume de dire, plus que jamais je trouve cette assertion
vérifiée. Et pourtant, la culture est un moyen de s'ouvrir l'esprit et de
lutter contre la manipulation. Sans culture l'homme est manipulable à souhait
écrivé-je récemment ! Je vous invite à relire, plutôt que de m'étendre
davantage ici, deux articles sur le sujet : La culture ça change la vie ! et Montesquieu et Baba o'Riley ...
8° Encourager le public à se complaire dans la
médiocrité : encourager le public à trouver «cool» le fait d’être
bête, vulgaire, et inculte…
Là encore il suffit de voir dans les rues la médiocrité
qui s'installe de plus en plus. A l'inculture s'ajoute dans le chef de plus en
plus de monde, la vulgarité des comportements et des tenues vestimentaires.
L'influence de la télévision n'est pas étrangère à ces comportements. Le
ridicule ne tue plus, au contraire il s'élève au niveau d'une sorte de classe
dominante. Le nombre d'ados qui se baladent en survêtement blanc et sâle avec
une casquette étroite posée tel un étron sur la tête est affligeant. Ils ont
l'air con et se trouvent classes... Le vocabulaire est digne de celui de cul-de-basse-fosse
et l'élégance est un concept qui est totalement étranger au commun des mortels.
Passer une heure à un arrêt d'autobus ou dans le hall d'un lieu public est
révélateur de ces comportements médiocres, c'est une véritable étude
sociologique en vase clos...
9° Remplacer la révolte par la culpabilité :
faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de
l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi,
au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue
et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est
l’inhibition de l’action. Et sans
action, pas de révolution !
Il y a 20 à 25 ans, nous militions contre l'Apartheid
avec le badge Touche pas à mon Pote à la boutonnière, aujourd'hui rares sont ceux,
dans la population lambda, qui s'investtisent encore autant dans des projets
humains. On incite l'individu à se replier sur lui-même, sur sa vie et on le
culpabilise s'il tente d'en sortir. Les techniques de management qui incitent
les travailleurs a s'auto-évaluer et à prendre conscience de ses points faibles
(pour les améliorer nous dit-on) déteignent sur les comportements privés. Il
s'agit aussi de faire croire aux masses qu'elles n'ont pas le niveau pour
comprendre les mécanismes mondiaux. D'un côté on favorise l'inculture des
masses et de l'autre on leur reproche de ne pas être intelligentes... Il y a
comme un hiatus qui débouche souvent chez le commun des mortels sur toute forme
d'inhibition de l'action, donc de la révolte...
10° Connaître les individus mieux qu’ils ne se
connaissent eux-mêmes
Cette dernière stratégie découle naturellement, à mon sens, des neuf
précédentes !
Force est de constater que ces dix stratégies sont un instantané de la société
actuelle, des comportements de masse de la société actuelle plus exactement...
-------
(1) Les
dix stratégies de manipulations des masses, par Noam Chomsky, in
Pressenza, 21 septembre 2010
(2) Le temps passé devant la télé à augmenté en 2009, par Frédéric Bianchi, on
lsa.fr, 18 mars 2010
(3) La pub en chiffres, on L'Internaute, novembre 2005
Copier sur: http://olivier-moch.over-blog.net/article-la-manipulation-des-masses-selon-noam-chomsky-73139485.html
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